Climat, environnement, ressources… Que lire ? Que voir ? #2
Il y a environ 1 an et demi, je publiais l’article « Climat, environnement, ressources… Que lire ? Que voir ? »
Les raisons qui m’ont poussé à cette écriture : à la fois le besoin que j’ai ressenti de partager les sources qui m’avaient permis de découvrir les enjeux du climat, les problèmes de ressources et d’énergie, la collapsologie, mais aussi le besoin exprimé par plusieurs personnes de mon entourage de savoir quel cheminement bibliographique emprunter pour découvrir et se faire une opinion sur ces thématiques.
Cette boulimie de connaissance démarrée fin 2017 suite à une session à la Engage University, loin de s’être calmée, s’est amplifiée avec l’avidité de mieux comprendre, mieux saisir les enjeux, mieux construire ma pensée.
Comme pour le premier article, il ne s’agit pas de vous prescrire LE cheminement pour avancer sur ces sujets. Le chemin étant aussi important — et même plus — que la destination, je vous ouvre les portes de mon chemin, et espère qu’il pourra vous inspirer dans les pas qu’empruntera le vôtre !
Alors si vous avez été sensible à la première liste de ressources à consulter, je vous embarque pour une seconde virée !
De plus, en cette période si particulière de confinement, se poser pour lire un livre est une véritable bouffée d’oxygène pour s’évader, avec une empreinte carbone des plus dérisoires 😊
Comprendre
Je comprends donc je suis
Parmi les lectures qui m’ont inspiré, il y a celles qui tentent de comprendre notre monde en adoptant un prisme de lecture différent des visions classiques.
En particulier les auteurs qu’on pourrait rapprocher de l’Histoire Globale, c’est-à-dire une ambition de re-raconter l’Histoire en évitant les compartimentages civilisationnels/nationaux traditionnels.
Les livres de Yuval Noah Harari en sont un très bon exemple. Je recommande fortement la lecture du premier : « Sapiens ». Ses deux autres best sellers suivants « Homo Deus » et « 21 leçons pour le XXIème siècle » m’ont moins emballé. Ce qu’on retient de ses livres, c’est que l’Homme se distingue par sa capacité à créer des imaginaires collectifs. Dans « Sapiens », le passage sur l’apparition de l’économie de dette, même si c’est un court passage, m’a également marqué. Je prévois d’approfondir le sujet par la lecture du très costaud « Dette, 5000 ans d’histoire », de David Graeber (anthropologue anarchiste à qui on attribue la paternité du terme bullshit job, et figure du mouvement Occupy Wall Street).
Dans la même lignée, j’ai lu « Cataclysmes » de Laurent Testot. Je l’ai trouvé très bon et passionnant. Pour autant, difficile d’en faire un résumé tellement chaque page est un condensé d’Histoire. On garde l’impression après sa lecture, comme avec Harari, d’avoir une vision plus englobante et relativiste de l’Histoire. Et ça fait du bien de quitter les représentations occidentales et anthropocentrées. Cela semble tenir du paradoxe puisque le sujet de leurs livres est précisément l’Histoire de l’Homme, mais voir les civilisations et les âges passer au fur et à mesure des chapitres nous fait prendre conscience que nous ne sommes que peu de choses.
Ensuite il y a les livres qui permettent de se focaliser sur des thèmes plus spécifiques.
Parmi ceux-ci, “Or Noir” de Matthieu Auzanneau est un véritable tour de force : en 800 pages, vous avez l’impression de connaître l’essentiel sur l’histoire du pétrole. Il y a quelques chapitres avec lesquels j’ai moins accroché, mais il reste passionnant dans son ensemble et offre un regard remarquable pour comprendre des moments clés de notre histoire moderne : les guerres mondiales par le prisme du pétrole, le rôle de l’industrie pétrochimique dans la révolution verte, les liens entre les Etats-Unis et le monde arabe, l’empreinte de Rockefeller sur le monde jusqu’à l’ONU, etc.
Pour appréhender les conséquences du dérèglements climatiques, je vous recommande vivement la lecture de « Géopolitique d’une planète déréglée » de Jean-Michel Valantin. Un livre qui permet de se projeter dans un monde qui survient : quelles conséquences d’un dégel de l’Arctique, de la fonte de grands glaciers himalayens, de la montée des eaux ? Comment interpréter les géopolitiques de la Chine, des Etats-Unis ou de la Russie ? Quel avenir pour des pays comme le Bangladesh ? Cela ne permet pas de se rassurer, mais de poser un regard lucide sur ce que notre inconséquence environnementale produit et ses impacts.
Sur un aspect moins climat, mais plus sur la notion de déchet, je vous invite à lire “Homo Detritus” de Baptiste Montsaingeon. Personnellement il m’a apporté un éclairage neuf sur l’histoire et la notion même de déchet. Avec cette idée renforcée qui s’applique à tellement de thématiques environnementales : le meilleure déchet, c’est celui qu’on ne produit pas…
PENSER
Je pense donc je suis
Dans un registre de l’ordre du « penser » et non du « savoir », j’ai pu lire quelques très bons livres dans des catégories et styles fort différents.
Il y a les livres qui prennent le prisme d’une nouvelle forme de spiritualité, de « vivre ensemble ».
Par exemple à travers le dernier livre de Servigne « Une autre fin du monde est possible » (Servigne, Stevens, chapelle). J’ai moins été sensible à ce discours que celui des précédents livres, mais j’avoue que ce sujet m’interpelle et je sens que j’ai un bout de chemin à faire encore sur cette voix. Il y fait mention en particulier du Travail Qui Relie, dont les fondements sont posés dans le livre de Joanna Macy « L’espérance en mouvement » que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire. Et si vous en voulez encore plus, je vous invite à lire la revue Yggdrasil, qui explore cette facette de la collapsologie/collapsosophie.
Dans cette lignée, il peut être intéressant de se rapprocher d’approches comme le convivialisme (Ivan Illich) ou l’écologie profonde (Arne Naess) que je citais déjà dans mon premier article ou encore des principes de l’écologie relationnelle. J’ai découvert cette dernière à travers la très intéressante interview de Damien Deville dans le podcast Présages de Alexia Soyeux (dont j’avais déjà parlé dans le 1er article). Pour en savoir plus, vous pouvez aller découvrir l’association AYYA.
Parmi ces penseurs autour de l’écologie, il y a également ceux relevant de l’éco-féminisme. L’idée ? Que les principes de domination de l’Homme sur la Nature ont les mêmes ressorts que les principes de domination de l’Homme sur la Femme. La figure de proue de ce mouvement en France est Emilie Hache, que j’ai également découverte à travers le podcast Présages. Le livre à lire, mais que je n’ai pas encore lu : Reclaim.
Pour entrer dans la problématique Nature/Culture, c’est vers Descola qu’il faut se tourner avec « Par-delà Nature et Culture », mais pareil, pas encore lu !
Vous pouvez également aller découvrir la vision englobante « Gaïa » de James Lovelock. Vision plutôt attrayante d’une Terre mère vivante qui forme un seul organisme… Il y a d’ailleurs un article très intéressant à ce sujet dans le Science&Vie de Mars 2020 ! (J’en profite au passage pour fustiger la ligne dudit magasine qui incite aux croisières et voyages dans les pages promo tout en relayant les dangers du dérèglement climatique dans le contenu scientifique…)
L’idée derrière tout ça : pouvoir (enfin) s’émanciper des Hommes comme « maîtres et possesseurs de la Nature » (Descartes, Discours de la méthode)
Pour survoler tous ces points et en explorer rapidement d’autres, je peux vous conseiller un vieux hors-série « Les grand dossiers des Sciences Humaines » datant de 2010 sur « Les pensées Vertes ». Une bonne façon d’avoir un résumer d’un peu tout ça à la fois !
Passer du temps à aborder ces sujets, c’est ébranler des certitudes, c’est remettre en question des préjugés qu’on ne soupçonnait même pas. C’est donc dérangeant. Mais salvateur. Et nécessaire pour entamer une transition vers un autre modèle !
AGIR
J’agis donc je suis
En parallèle de ces livres davantage orientés sur le fait de comprendre et/ou penser ce qui arrive il me semble nécessaire d’y allier la lecture de livres qui proposent des pistes d’action.
Sur un plan très direct et pratico-climato-pragmatique, le livre de Gildas Véret « Sauvons le climat » est très efficace. Il propose les 10 actions essentielles pour limiter, tant que faire se peut, notre impact sur le changement climatique. Loin de la simple injonction « Ne faites pas ci, ne faites pas ça » que je redoutais, il nous invite à désirer ces changements à travers son expérience de citoyen et de père. Argumenté et concis, il permet d’orienter nos actions.
Sans dessiner de piste réellement concrète, mais en donnant une voie, vous pouvez lire « Petit manuel de résistance contemporaine » de Cyril Dion, dans lequel il enfourche son traditionnel cheval de bataille : la lutte passe par le récit, par les imaginaires. J’y reviendrai plus loin avec pas mal de livres à lire sur le sujet !
Si tous ces livres et ces auteurs vous intéressent, bref, si vous voulez armer votre pensée pour mieux appréhender tous ces enjeux, je vous recommande vivement la lecture régulière de Socialter. Il est peu de livres que j’ai lus, de personnes que je cite, qui n’aient été absents de leurs lignes. La ligne éditoriale est mordante, constructive, pousse à la réflexion. Un coup de chapeau au rédacteur en chef Philippe Vion-Dury, qui dispense en particulier de magnifiques interviews (Damasio, Bégaudeau…).
Romans / récits / imaginaires
J’imagine donc j’agis
Pour partir sur des lectures moins « prises de tête », mais tout aussi efficaces dans ces nouveaux récits écolo, le choix est large.
L’auteur incontournable est Alain Damasio. Sa plume est fantastique — digne de l’Oulipo, son imagination fertile, sa narration haletante, ses personnages d’une consistance inouïe, et ses attaques sur notre monde aux allures de cocon technologique intransigeantes. « La zone du Dehors » m’avait emballé pour son côté dystopique attaquant notre société de contrôle à travers les discours et actions déchaînées de (ré)volutionnaires anar. « La horde du contrevent » m’a estomaqué. Le périple d’une horde, unie jusqu’à l’os, dans un monde où tout est vent est prodigieux. Son dernier roman “Les Furtifs” se fait plus concret, plus proche de nous dans les imaginaires et n’en est que plus dérangeant. Le pitch : les multinationales ont racheté les villes, nous distillant le pire du capitalisme jusque dans une réalité virtuelle ultime. Un clin d’œil probablement non voulu à une nouvelle de “l’Arbre des Possibles”, de Bernard Werber, qui explorait déjà cette idée.
Par ailleurs, la rencontre de Alain Damasio et Socialter a donné naissance à un Hors Série très qualitatif sur la place des imaginaires dans les transitions à mener : Le réveil des imaginaires.
Pour une version effondrement apocalyptique, il suffit de se plonger dans le très bon « Ravages » de Barjavel. Paru en 1943, il résonne fortement à la lumière des théories collapso du moment dans ce récit où un black-out électrique généralisé survient tout à coup. Comment cela se passerait en cas d’effondrement soudain ? La réponse de Barjavel n’est pas la plus optimiste…Et si vous avez le temps n’hésitez pas à vous plonger dans le reste de son œuvre, que j’affectionne tout particulièrement (La nuit des temps, Le grand secret, une Rose au Paradis…).
Toujours dans la veine post apocalyptique, je viens de terminer Silo, de Hugh Howey : énorme coup de cœur pour ce livre qui m’a emballé ! Rythmé, facile à lire (je l’ai lu en français), pas mal de rebondissements… très très prenant ! le pitch : dans un futur post apocalyptique où l’air de la surface n’est plus respirable, une communauté survit dans un silo souterrain. La vision d’un petit monde vivant en autonomie avec la résilience comme objectif est très intéressante : énergie, agriculture, gestion des morts, de la démographie, gouvernance, contrôle, censure… De quoi intéresser nombre de transitionneurs et survivalistes !
Revenons vers des futurs désirables : publié il y a 45 ans, je vous invite à découvrir le roman « Ecotopia » de Ernest Callenbach. Autant les romans dystopiques sont foison, autant les utopies plutôt rares. Facile à lire, c’est une façon plutôt agréable de se transposer dans un futur plus radieux à la mode écolo à travers les yeux d’un journaliste qui découvre ce nouvel Etat nord américain, Ecotopia, qui a fait sécession avec les USA pour devenir une nation autonome indépendante et écologique.
J’ai également lu le livre « Régression » de Papillon. Je n’ai pas trop accroché avec le style d’écriture, néanmoins je me suis laissé emballé par le rythme de ce polar/thriller qui aborde une vision effondrement avec des thèmes assez modernes : un anthropologue qui fait attention à son bilan carbone nous emmène vers une régression néandertalienne par les vertus de l’épigénétique déclenchée par ce qui semble une réponse immunitaire de la Terre à l’invasion prédatrice et parasitaire de Homo Sapiens… Rien que ça ! Avec une mention au rapport Meadows sur la fin, on n’est pas dépaysé !
Pour cette partie roman/récit, je termine avec ce qui est déjà un classique de la SF maintenant : la trilogie du problème à Trois Corps du Chinois Liu Cixin. Un peu déçu car j’avais la notion « attention chef d’œuvre » en tête en le lisant, il reste néanmoins très bon. En fait je l’ai trouvé très inégal. J’ai beaucoup aimé les deux tiers du premier, moins la fin, j’ai été très déçu par le deuxième, sauf la fin, et j’ai adoré la plupart du dernier tome. Le tour de force de Liu Cixin est d’arriver à nous projeter dans un monde si complet et complexe, sur une période si vaste, et en étant proche des réels concepts physiques (ce qu’on entend par « hard SF ») qu’on se demande comment il a pu sortir tout ça de sa seule imagination !
Ecologie et anarchisme
Je fais un petit encart sur quelques livres que j’ai pu lire concernant l’anarchisme.
Ce courant politique, finalement assez peu connu, souvent assimilé à des mouvements violents, semble revenir en vogue.
Et en effet, lorsque l’on réfléchit et pense l’écologie, difficile de passer à côté du lien qui se tisse entre écologie et anarchisme. En effet, chercher un modèle qui éluderait (enfin) la domination de l’Homme sur la Nature amène à considérer cette « idéologie » qui a toujours vu dans les rapports de domination une cause structurelle de dysfonctionnement.
J’ai initié cette réflexion à travers les interviews Thinkerviews de Tancrède Ramonet et isabelle Attard. Tancrède Ramonet a réalisé un documentaire que j’ai trouvé passionnant sur l’histoire de l’anarchisme. Vous pouvez le consulter sur la très utile plateforme imagoTV, une plateforme vidéo qui ne contient que du contenu engagé (engagé pour être objectif, intelligent pour refléter ma pensée).
Dans l’interview d’Isabelle Attard, j’ai découvert Murray Bookchin et le municipalisme libertaire. Et comme j’ai trouvé ça passionnant, j’ai lu « Murray bookchin et L’écologie sociale » de Vincent Gerber et Floréal Romero. Très rapide à lire, ça donne vraiment envie de creuser cette pensée ! Dans son application concrète, je vous renvoie à un article de Socialter sur ce qui se passe depuis quelques années au Rojava !
Si comme moi, vous avez envie de mieux cerner ce qu’est l’anarchisme, répondre à des questions qui semblent basiques du type : Mais au fait libertarien et anarchiste, c’est pareil ou pas ? et quand on est anarchiste, on veut pas d’Etat du tout ou un peu quand même ? et on est pro violent ou pas ? Quel est le projet économique ? bref, je vous conseille très vivement la lecture du tout petit livre “10 questions sur l’anarchisme” de Guillaume Davranche.
Pour explorer la face plus « sombre » et « violente » — qui n’est qu’une face de l’anarchisme, vous pouvez lire « L’insurrection qui vient » du Comité invisible. Je garde un côté bisounours non violent qui n’adhère pas à tout ce qui est dit, mais c’est intéressant à lire pour tracer soi-même ses frontières !
Parmi ces frontières, celle entre « stratégie des petits pas » et radicalité est emblématique des luttes écolo. Malheureusement, ces stratégies sont souvent opposées et divisent les mouvements écolo au lieu de les rendre complémentaires. L’écoute du podcast Floraison dans son analyse du livre « Full Spectrum Resistance » est une bonne façon de réconcilier tout ce petit monde !
Pour terminer par un petit pot-pourri s’il vous reste du temps pour lire, voir, écouter… Voici quelques idées supplémentaires :
- écoutez en podcast les chroniques de Guillaume Meurice. Une bonne façon d’aborder ces sujets à travers l’humour… grinçant mais ô combien salvateur du trublion de France Inter
- apprenez-en plus sur les enjeux écolo avec le youtubeur Vincent Verzat et sa chaîne youtube Partager c’est sympa
Pour approfondir vos connaissances sur le climat, je vous conseille :
- d’éplucher le site jancovici.com ou celui de The Shift Project
- de regarder des vidéos YouTube du Réveilleur
- de lire les articles LinkedIn de Juliette Nouel
- de s’abonner à la Newsletter Yolo de Flint. Au passage, la Newsletter du dimanche de Flint est un régal d’informations/investigation !
- de faire le MOOC d’Avenir Climatique
- Et surtout de participer à une Fresque du Climat ! Je ne suis pas tout à fait objectif puisque j’agis (très) activement au sein de l’association éponyme. Mais je m’étonne encore, après avoir sensibilisé et/ou formé plus de 1000 personnes de la puissance de cet atelier !
S’il faut un déclencheur émotionnel pour faire bouger les lignes et les personnes, la Fresque du Climat me semble un parfait candidat pour remplir cette mission !
- Et cerise sur le gâteau, participer à une Fresque Océane. Pas tout à fait objectif non plus car la géniale créatrice de cet outil est ma moitié, mais il me suffit d’écouter les retours des participants pour savoir qu’en y assistant vous allez voir l’Océan sous un œil émerveillé avec l’envie de le protéger davantage, en sachant comment s’y prendre.
Et une fois que vous aurez la tête remplie de tout ça, mon conseil : buvez un coup avec famille et amis, et allez grossir les rangs des membres des nombreuses associations qui militent pour un avenir meilleur !
La file d’attente sur ma table de chevet est déjà bien fournie (Arne Naess, Naomi Klein, David Graeber, Isabelle Delannoy, Jared Diamond… entre autres !). Mais N’hésitez pas à partager en commentaires vos idées de lecture pour me titiller à revoir cette liste !