Quelques chiffres-clés du dérèglement climatique
Depuis 1 an environ, je fais de la sensibilisation au dérèglement climatique. Via quelques associations comme Avenir Climatique, les Shifters et surtout la Fresque du Climat, j’ai pu approcher des formats intéressants permettant de partager et faire comprendre les phénomènes et les enjeux qui y sont liés.
Toutefois, une question taraude toute personne qui se met à faire de la sensibilisation sur un sujet : comment faire passer mon message ?
Il y a un certain nombre de techniques pour cela, mais l’objectif de cet article est de faire simple et empirique. Je me suis tout naturellement posé la question : qu’est-ce qui fait que j’ai été convaincu, moi, de la véracité et de l’ampleur du dérèglement climatique ?
J’ai réalisé assez vite que ce qui marque, ce sont souvent quelques chiffres clés. Des chiffres qu’on est capable de ressortir dans les discussions avec proches, amis, collègues. Si on les a retenu, c’est qu’ils nous ont marqué. Et qu’ils ont contribué à nous influencer.
Que ce soit pour être mieux armés quand vous discuterez du dérèglement climatique ou que ce soit pour en apprendre davantage, je vous livre ici ces quelques chiffres qui me paraissent clés.
Climat vs Météo
Un des premiers chiffres permet surtout de comprendre que climat et météo ne sont pas comparables.
On entend souvent parler — Accord de Paris oblige — de l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement de la planète. Pour rappel il s’agit de la différence de la température moyenne à la surface de la Terre entre les niveaux préindustriels et l’année 2100.
Mais pour le quidam, comment se rendre compte de ce que veut dire une augmentation de 2°C ? Sachant qu’il fait plusieurs degrés d’écart entre le matin et le soir…
Pour cela, je vous invite à imaginer le paysage de l’Europe lors de la dernière période glaciaire :
la moitié nord de l’Europe est recouvert de calottes glaciaires (aujourd’hui, ce qu’on appelle calottes glaciaires sont l’Antarctique et le Groënland). La moitié sud ressemble peut-être à la Sibérie d’aujourd’hui.
Le niveau de la mer est environ 120m plus bas — la Manche n’existe pas.
Cette période glaciaire a démarré en -110 000 et s’est terminée en environ -10 000.
Sachez que la température moyenne, dans une période inter glaciaire comme celle dans laquelle nous sommes aujourd’hui, à la surface de la Terre est d’environ 15°C (enfin cela, c’est en temps normal, car, malheureusement, on a déjà pris plus de 1°C…).
Eh bien rendez-vous compte que la température moyenne à la surface de la Terre pendant une période glaciaire est de… 10 °C !
Seulement 5°C d’écart entre une période glaciaire et une période inter glaciaire !!
Par ailleurs, il faut noter que cette augmentation s’est faite en l’espace de 10 000 ans.
Donc quand on parle d’une augmentation de la température moyenne de 2°C, c’est énorme ! Surtout que nous parlons d’une hausse de température en l’espace de même pas 200 ans…
Et ces 2°C, on les tient ?
Malheureusement, notre trajectoire actuelle ne nous invite pas à l’optimisme.
Pour cela, quelques chiffres à avoir en tête.
L’accord de Paris, signé par presque 200 pays, vise à contenir la hausse de température à +2°C, voire 1,5°C.
Le problème, c’est que les pays, en signant cet accord, ne sont pas attribués la répartition à faire. Ce qui est stipulé, c’est que « l’Accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales ».
Chacun rentre donc chez soi et va faire ses efforts dans son coin.
Premier hic, seulement 58 pays ont vraiment inscrit dans leur lois des efforts une stratégie pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.
Deuxième hic, quand on estime ce que donne les engagements de ces pays, on arrive à un trajectoire qui nous mène plutôt vers +3,2°C…
Et troisième hic, c’est que ça, c’était en 2015. En 2019, on a un peu de recul pour savoir si les pays ont tenu leurs engagements. Et le résultat est le suivant :
- seulement 16 pays dans le monde ont tenu leurs engagements d’émissions de gaz à effet de serre.
3 en Europe (Norvège, Macédoine, Monténégro), et aucun dans l’UE…
Et la France dans tout ça ?
Voici un petit graphe de l’observatoire Climat Energie, outil développé par le Réseau Action Climat et le CLER-Réseau pour la transition énergétique
On y voit que la France, depuis les Accords de Paris, est sur une trajectoire à la hausse de ses émissions de gaz à effet de serre.
En particulier dû à l’augmentation du trafic routier et à l’augmentation du poste « chauffage ».
Dans le monde, on envoie environ 50 GTCO2eq par an.
La France représente environ 1% de ces émissions.
J’écrirai un article dédié sur la partie individuelle, pour se rendre compte des ordres de grandeur.
On peut déjà retenir que l’empreinte CO2 moyenne d’un Français est de 10 à 12T CO2 par an.
Est-ce si difficile d’y arriver ?
Voici quelques chiffres qui donnent selon moi l’ampleur de la tâche.
L’essentiel du problème vient des émissions de gaz à effet de serre. (Pour rentrer dans les détails, je vous invite à venir à un atelier la Fresque du Climat !)
En particulier le CO2, qui est majoritairement émis par la combustion d’énergies fossiles, que sont le charbon, le pétrole et le gaz.
Le GIEC nous dit que, si nous ne voulons pas dépasser un réchauffement de 2°C, alors il faut envoyer maximum 1 000 GTCO2eq (1000 milliards de tonnes comptées en CO2 équivalent) dans l’atmosphère. Or, si on consommait, brûlait l’ensemble des stocks d’énergie fossile que nous avons à disposition (sans parler des explorations et forages exotiques types sables bitumineux), on enverrait dans l’atmosphère… 4 000 GTCO2eq !
Autrement dit, il ne va surtout pas falloir attendre les pics de production de ces énergies pour arrêter de les utiliser… il va falloir s’arrêter avant !
Quand on voit les efforts que font les activistes/militants pour empêcher l’exploration et la construction de nouvelles plateformes d’exploitation de gaz/pétrole/charbon… on se dit que le chemin est long !
A noter que c’est particulièrement vrai pour le charbon, dont les stocks sont encore relativement importants, et dont la combustion libère plus de CO2, à quantité équivalente, que le pétrole et le gaz.
Pour ceux qui préfèrent parler en termes économiques, considérez tous les actifs liés aux énergies fossiles… Et imaginez leur valeur si on disait tout à coup que ¾ des ressources doivent être laissées dans le sol !
BILAN
Vous comprenez maintenant pourquoi il est difficile d’être optimiste, et pourquoi il faut se battre tous les jours sur tous les fronts pour changer la trajectoire dès que possible…
Le dernier rapport intermédiaire du GIEC, paru le 8 octobre 2018, rapport 1,5 de son petit nom, nous rappelle que chaque dixième de degré “sauvé” est essentiel, et que tous les efforts en ce sens doivent être poursuivis.
Sources
Quelques sources, que je vous invite à aller consulter, utilisées pour cet article :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Derni%C3%A8re_p%C3%A9riode_glaciaire
http://unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/french_paris_agreement.pdf
https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_Paris_sur_le_climat